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Le moulin à vent de Bures

Le moulin à vent de Bures


Les archives départementales du Calvados conservent sous la cote H 8014, un document daté d’août 1751, «Devis et plans des constructions à faire à la manse abbatiale. » (1) C’est un document de seize pages, manuscrit, sur papier timbré. En 1751, sous le règne de Louis XV (1715-1774), l’abbé commendataire de l’abbaye Saint-Martin de Troarn est alors Joseph Odet Giry de Saint Cyr.
Le 17 septembre 1750, une ordonnance du Grand maître des eaux et forêts de France (2) au département de Caen charge Gilles Bouet, maître maçon entrepreneur de bâtiment à Démouville, de procéder à la levée de plans et à la rédaction de devis estimatifs des réparations et constructions à faire aux bâtiments et dépendances de l’abbaye de Troarn, situés dans différentes paroisses (3). Le 10 août 1751, il rend son mémoire avec des devis, nous ne nous attacherons ici qu’à la construction d’un moulin à vent à Bures. Il est en outre chargé de dresser un état détaillé des esseaux (4) et des bondes (5) dans les herbages de l’abbaye, ainsi qu’un devis pour en construire ou en réparer certains ; enfin, il est chargé de procéder à l’évaluation du nombre de saules à planter le long des chaussées et fossés des herbages.
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1 - la manse abbatiale est le domaine agricole appartenant à l’abbaye
2  - chargé de la conservation et de la police des forêts et des cours d’eau
3  - Lion sur mer, Sannerville, Cagny, Langrune, Touffreville, Grentheville, Annebault, Bures
4  - prises d’eau sur les rivières
5 - pièces de bois servant à retenir ou à relâcher l’eau dans les étangs et les marais
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La construction est nécessaire « pour le bien et utilité des vassaux de l’abbaye de Troarn qui ne peuvent moudre au moulin dudit lieu pendant les inondations et ce pour suppléer tant à ce défaut qu’aux moulins anciennement détruits appartenant à la dite abbaye ». Et pourtant, en général, les usagers ont préféré le moulin à eau au moulin à vent car la force hydraulique fournissait aux meules un mouvement plus régulier que la force éolienne et, par conséquent, la mouture était mieux faite. En Normandie, les premiers moulins sont à eau, puis les moulins à vent apparaissent à la fin du XIIe siècle.
Au XIIIe siècle, l'abbaye possédait sept moulins sur la Dives. En 1498, Guillaume de Silly, abbé de Troarn, dresse la liste des moulins possédés par l’abbaye : quatre moulins à eau à Troarn, un à Bures, un à Robehomme, un à La Ramée, et à Janville deux moulins dont un à guède (isatis ou pastel, plante tinctoriale). Les comptes de 1596 font apparaître l'existence d'un moulin à blé, d'un moulin à orge, de petits moulins et d'un grand moulin, tous les moulins qui sont cités sont à eau.
La construction et l’entretien de moulins entraînaient de gros investissements. Les inondations, en rompant les écluses, détérioraient les roues ; le gel paralysait le mécanisme. Plusieurs fois par an, il fallait « rhabiller » les meules et les « piquer » parce que les grains s’écrasent mal sur des meules lisses. Enfin, il fallait réparer les charpentes, curer les biefs, nettoyer les rivières.

Le devis établi en 1751 

Ce moulin aura un diamètre de 14 pieds (4,55 m) et sera haut de 26 pieds (8,45 m) (6) ; les murs auront 2 pieds 6 pouces (0,80 m) d’épaisseur dans le bas du bâtiment et deux pieds (0,65 m) dans le haut ; il aura quatre pieds (1,30 m) de fondation et le tout sera fait à mortier de chaux et sable. Quatre chaînages en pierre de taille seront nécessaires pour rendre cette masse plus solide. La porte et les deux croisées seront en pierre de taille et le mur au surplus sera bâti en moellon.
La couverture sera en essente, petits bardeaux de bois, sur laquelle on mettra deux couches de peinture gris de fer à l’huile. La porte et les croisées sont en chêne.
Le pivot faisant tourner la charpente de ce moulin sera porté par une traverse. Dans le bas, il y aura deux goujons (7) de fer pour tourner le moulin, quatre poutres et deux autres traverses pour servir de plancher et porter les meules ; ces poutres, en chêne et à vive arête, auront un pied (0,32 m) de section.
Il faut prévoir deux meules de chacune 12 pieds (3,90 m) de circonférence, et une troisième meule ; un plancher en orme ou en sapin, et pour poser les quatre ailes un arbre en chêne dont les bouts seront armés de liens de fer. Environ 200 livres (97 kg) (8) de fer seront nécessaires pour goujonner (9) et enchaîner tout le bois de ce moulin.
Trente aunes (10) (36 mètres) de toile seront nécessaires pour couvrir les ailes. Gilles Bouet prévoit aussi de faire un escalier pour monter sur le plancher en bois et une charpente de lattes chevrons en chêne.
Le devis comprend aussi un treuil, un chable (11) et autres cordages pour lever les meules et les battre, ainsi que pour faire tourner la charpente du côté du vent ; ainsi que tous les ustensiles et agrès nécessaires comme pince, marteaux, seizième de cuivre (?), brancard, poids et généralement tout ce qui convient à un moulin pour que le meunier soit en état d’y faire de la farine à partir du grain.
La construction est estimée à 3 600 livres, par comparaison, le même devis estime la construction d’une grande grange de 26 mètres de long à Langrune à 2 500 livres, le logement du fermier à Lion à 3 835 livres, une petite grange à Touffreville de 13 mètres de long à 1 400 livres et le pressoir de Foltot à 3000 livres.

Pascale Louvet
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6 Le pied mesure 0,3048 m et le pouce 2,54 cm
7 chevilles
8 une livre = 485,5 g
9 fixer avec des goujons
10 une aune = environ 1,20 m
11 corde passée dans une poulie pour monter de lourdes charges