Les cahiers du Patrimoine
Troarn et Bures ontvécu la bataille de manière particulière par leur localisation : la Normandie a connu les évènements décisifs de la guerre (le débarquement) ce qui a eu pour conséquences de nombreuses victimes et de nombreux sinistrés.
A plus de soixante-quinze ans après la bataille, les souvenirs des Troarnais et Burois nous relatent la vie quotidienne selon le déroulement de la bataille et la vision personnelle de chacun donne aux évènements importants une richesse émotionnelle captivante ; l'ordre d'évacuation des six et sept juillet sera également un momemt important avec le départ de tous les habitants pour des secteurs jugés plus calmes et rassurants, ce qui n'a pas toujours été le cas.
Les Troarnais et les Burois éviteront quand même les bombardements de l'offensive Goodwood les 187, 18 et 19 juillet.
Les amis, la famille au coeur de la bataille, quel témoignage plus émouvant !
Les derniers baraquements abritant des sinistrés de 1944 disparaissent du paysage troarnais en 1972.
Troarn et Bures ont subi de très importants dommages résultant notamment du débarquement et de la bataille de Normandie.
Les deux communes n'ont été libérées que le 17 août 1944, assez longtemps après le débarquement du six-juin.
Si elles ont beaucoup souffert ont peut dire qu'elles sont à l'image de toute la Normandie puisque 78% de la oppulation normande a été victime de ces dégats.
La reconstruction sera alors difficile et mettra un certain temps, non seulement par son ampleur mais aussi par les difficultés de son financement : il faut d'abord remettre en état les routes, les voies de chemin de fer, les ponts, les gares, les terres agricoles, les nombreuses usines, après avoir déminé, et tout cela avec un manque de moyens matériels ; l'aide financière américaine apportée par le plan Marshall n'arrivera qu'en novembre 1948.
A ceci s'ajoute le démantelèment de la machine administrative et la restauration des pouvoirs publics (Remplacement des préfets et sous-préfets nommés par le régime de Vichy, par le nouveau pouvoir ; instauration d'une nouvelle constitution, celle de la IVe république en 1946.
Les archives communales et départementales nous indiquent que la reconstruction ne commencera vraiement qu'en 1949, pour s'achever en 1960.
« Les ordres religieux ont presqu’abandonné le droit chemin. Leurs membres sont dissolus, ignorants, de mauvaises mœurs, sordides, sales, paresseux. La règle n’est observée nulle part, sauf chez les chartreux… » Tel est le constat établi en 1596 par le légat du pape Clément VIII en France, le cardinal-archevêque de Florence. Emporté par l’élan réformateur du concile de Trente, le légat du pape est sans doute très sévère, peut-être même trop sévère. Qu’en est-il de la vie religieuse des neuf moines de l’abbaye royale de Troarn sous le règne très lentement réparateur d’Henri IV ? On l’ignore. En revanche, les comptes du monastère pour cette époque ont été conservés. Il y a plus d’un siècle, René-Norbert Sauvage, chartiste à l’érudition exemplaire (mais peut-il en être autrement ?) les a édités.
Que Pascale Louvet ait eu l’idée d‘en faire connaître le contenu au public ne saurait étonner. Ne lui doit-on pas déjà une solide synthèse sur Troarn et sa région des origines à la fin du moyen âge ? Les qualités de cette histoire publiée en 2004 se retrouvent dans cette nouvelle publication. Même curiosité, or l’histoire est d’abord une question de curiosité. André Maurois ne disait-il pas qu’ « en histoire, l’indiscrétion est une vertu » ? Même méthode critique, or l’histoire n’a de valeur que par la critique des documents du passé. Même souci de comparer avec des établissements semblables à la même époque ou à un moment proche de ces années 1596-1597, or l’histoire locale n’a de valeur que comme contribution à l’histoire générale. C’est assez dire l’intérêt de cette nouvelle étude. On y trouvera tous les éléments matériels de la vie quotidienne d’un monastère qui se relève des « troubles » ou « guerres civiles » des années 1560-1580 qui furent appelés, à partir du XVIIème siècle, « guerres de religion ».
Cette publication témoigne aussi de la vitalité de la vie intellectuelle d’un chef-lieu de canton dans les années 2010. Œuvre de Pascale Louvet, la publication est patronnée par Patrimoine troarnais et burois, association de fondation récente qui s’occupe de faire connaître le passé lointain et récent de Troarn, passé exceptionnel grâce aux moines bénédictins et à leurs hôtes prestigieux : Guillaume le Bâtard, futur conquérant de l’Angleterre, saint Anselme, saint Louis, François Ier, Charles IX et Catherine de Médicis. Jusqu’à sa fermeture décidée d’un commun accord par le pape Pie VI et le roi de France Louis XVI, l’abbaye royale de Troarn était, par ses biens, la deuxième abbaye du diocèse de Bayeux après l’abbaye aux Hommes de Caen. Puisse les noms de Troarn et de saint Martin rester inscrits non seulement dans les annales du passé mais encore dans les temps à venir.
Cette époque particulièrement difficile de l'occupation allemande à Troarn et Bures-sur-Dives est d'autant plus émouvante quand elle est racontée par les habitants, c'est à dire les témoins de l'époque, comme généralement dans les années de guerre, c'est une succession de restrictions dont la plus importante est celle des libertés.
La mémoire… existe-t-il une faculté humaine plus faible que la mémoire ? Ce n’est pas sûr, et pourtant, nous avons pris le risque d’éditer ce cahier en nous basant sur les souvenirs des Troarnais et Burois, se rapportant à cette extraordinaire période douloureusement vécue. Soixante dix ans après les faits, avant qu’elle ne s’éteigne, il était de notre devoir de la recueillir.
Certes, cette quête de mémoire est incomplète, car tous les témoins n’ont pu être écoutés, aussi parce que les souvenirs s’égrènent petit à petit et ne se livrent pas dans un entretien isolé, mais nous avons ici suffisamment de données pour faire comprendre à nos lecteurs, aux plus jeunes en particulier, ce que furent ces années de guerre, de restriction des libertés, d’abord, et de restrictions en général.
Sans doute devrons-nous faire face à ces interprétations différentes, peut-être à des contestations, comme cela est la règle lorsqu’il s’agit d’un témoignage humain.
Pour limiter ce risque, nous avons privilégié les écrits, souvent rédigés au moment des évènements ou peu de temps après, et nous avons évidemment retenus les témoignages oraux, nombreux, en les comparant lorsque les faits évoqués traitaient du même évènement.
Ce cahier est faiblement illustré ; l’époque ne s’y prêtait pas. La photographie était peu répandue et les destructions de 1944 nous ont sans doute privés de nombreuses images. Celles de Marcel Legrand, sauvées grâce à la vigilance de Monsieur Claude Aubert nous sont d’autant plus précieuses, et vous en trouverez plusieurs dans ce cahier.
Merci donc à tous nos témoins, pour la précision et la qualité de leur témoignage, pour leur patience, quelquefois, et surtout pour avoir ainsi contribué à écriture l’histoire de Troarn et Bures.
Présenter Troarn et Bures de 1914 à 1944, soit d'une guerre à l'autre, est un projet ambitieux, la période étant vaste et riche en événements et en mutations d'un monde en pleine tourmente.
Des choix se sont donc imposés. Alors qu'en cette année 2014 Français et Normands célèbrent le centenaire de la Grande Guerre et les soixante-dix ans de la Libération, que beaucoup de nos compatriotes ont travaillé avec talent sur l'événementiel pur, l'Association Patrimoine Troarnais et Burois a pris le parti de raconter aux plus jeunes, et aussi de rappeler aux plus anciens, ce que fut la vie quotidienne de nos concitoyens.
Nous avons donc mis l'accent sur ce qui nous semblait être le plus novateur dans la vie de tous les jours, comme un nouveau décor pour la maison et surtout des progrès techniques qui ont considérablement amélioré le quotidien (l'électricité, l'eau courante, les arts ménagers qui ont tant fait pour libérer la femme, les progrès de la médecine).
C'est avec regret que nous avons trop peu traité la période 1914-1918, car nous sommes conscients des immenses sacrifices faits par nos concitoyens et nous pensons qu'un travail futur devra être entrepris pour leur rendre hommage.
L'Association possède un trésor inestimable, la mémoire des anciens qui ont accepté de témoigner et de nous transmettre leur vécu. Depuis de nombreuses années elle est venue auprès d'eux recueillir leurs souvenirs, elle les a enregistrés, elle a transcrit et classé leurs paroles comme autant de précieux documents historiques.
Ce travail de recueil de l'oral a été accompagné d'un long travail de dépouillement des documents conservés dans les archives municipales et départementales.
Il a été complété par de nombreux objets, documents et souvenirs de famille, apportés bénévolement par des habitants de Troarn, Bures, et des communes environnantes, ce qui a permis la réalisation d’une exposition « Troarn et Bures d'une guerre à l'autre » présentée en août 2014, et d’illustrer ce cahier.
Mais le travail n'est pas fini, l'Association en appelle à tous ceux qui n'ont pas encore témoigné, à tous ceux qui se souviennent de ce qu'étaient Troarn et Bures autrefois. Nous souhaitons que ce premier travail les incite à nous contacter, car ils possèdent en eux une petite parcelle d'Histoire, les générations futures ont besoin d'eux car connaître le passé nous aide à mieux comprendre le monde actuel.
La grande vogue de la carte postale du début du XXème siècle nous a laissé un témoignage inestimable de la vie à cette époque ; un siècle plus tard il nous a paru intéressant de la comparer à la situation actuelle.
Il nous faut, toutefois tempérer cette ambition, dans la mesure ou les documents dont nous disposons, essentiellement des cartes postales du début du XXème siècle, ne nous permettent pas d’entrer dans l’intimité des modes de vie des Troarnais et Burois de la Belle Epoque, faute de photographies de la vie « domestique » ; nous sommes contraints de nous limiter à l’aspect des choses, celles de la rue.
Néanmoins, ce rapprochement met en évidence quelques évolutions, celle des moyens de transport, la plus visible, la traction animale, très présente en 1900 a complètement disparu et avec elle le métier de maréchal ferrant, pour être remplacée par la traction automobile, envahissante ; beaucoup de commerces de détail, et de cafés ont également sombré, victimes de l’évolution des modes de consommation.
Outre les progrès techniques, la deuxième guerre mondiale va grandement contribuer à modeler l’aspect des bourgs de Bures-sur-Dives et de Troarn dont la partie centrale sera en grande partie écrasée sous les bombes et les obus.
Il faut également évoquer le lavoir, la gare de chemin de fer, la porte de l’Abbaye, autant de bâtiments disparus …En éditant ce cahier, nous posons un jalon pour marquer l’histoire de Troarn et Bures, en souhaitant aux Troarnais du XXIIème siècle d’y trouver autant d’intérêt que celui que vous aurez vous-même trouvé en le feuilletant, c’est du moins notre profond désir.
Il y a un peu plus d’un siècle, en 1909, Georges Blériot traversait la mer de la Manche en aéroplane, le Suédois Admunsen atteignait le pôle Sud en 1911, et le Titanic sombrait dans les eaux glacées de l’Atlantique en 1912.
Trois centièmes anniversaires, a quelques mois près, auxquels font pendant trois évènements locaux ; en 1909, les Troarnais découvraient le sarcophage du Chevalier Hugues, avec de remarquables sinon unique exemple de sculptures ; en 1911, René Norbert Sauvage, archiviste paléographe, publiait une thèse qui fait toujours autorité, sous le titre « L’Abbaye Saint-Martin de Troarn, au diocèse de Bayeux, des origines au seizième siècle » et en 1912 Monseigneur Lemonnier, Evêque de Bayeux bénissait le nouveau calvaire de Troarn et Saint Pair, dont la silhouette élancée est toujours visible dans l’axe de la rue de Rouen.
Trois raisons de se pencher sur cette période, qualifiée de « Belle Epoque », L’expression est née après 1918, elle s’applique aux années 1895-1914, et succède aux années 1870-1895, années de grande dépression.
En vérité, était-elle belle, cette époque ? Le développement du vélocipède, la naissance de l’automobile et de l’aviation, l’avènement du téléphone, la vaccination, la photographie, la mécanisation, la consolidation de la République, malgré les soubresauts de l’affaire Dreyfus et de la séparation des Eglises et de l’Etat, entre autres, modifièrent profondément les mœurs et permirent d’espérer une vie meilleure.
Troarnais et Burois ont vu passer les premières automobiles sur la route de Rouen, les premiers aéroplanes survoler leurs communes, lors de la fête d’aviation de Caen, en 1910, (et peut-être Roland Garros qui volait à Houlgate en 1912), assisté au passage du tour de France cycliste en 1909 et 1910, se sont initiés aux techniques nouvelles, et notamment au fonctionnement du moteur à explosion ; ont regardé les travaux de construction des hauts fourneaux et aciéries de Caen, ont vu disparaître les fiacres, remplacés peu a peu par des véhicules « automobiles », découvert l’éclairage électrique, lors de leurs déplacements, et nombre d’inventions nouvelles.
Oui, elle était belle cette époque, mais elle disparaîtra rapidement et tragiquement dans le fracas de la Grande Guerre.
L’association régie par la loi du 1er juillet 1901 PATRIMOINE TROARNAIS ET BUROIS se devait de marquer le neuf cent cinquantième anniversaire de la dédicace de l’Abbaye de Troarn, le 13 mai 1059, jour de l’Ascension.
Cet évènement fut l’un des éléments fondateurs de Troarn, ou tout au moins, l’élément principal de son développement ; les sources historiques ne nous permettant pas de préciser l’importance de Troarn à cette époque.
Cet anniversaire fut donc marqué par une exposition, la rareté du mobilier provenant de l’Abbaye, susceptible d’être exposé, a amené les organisateurs a élargir l’exposition à toute l’histoire de Troarn, jusqu’aux années 1970-1980, qui marquent son développement et sa transformation de village en petite ville. Le présent cahier est tiré de cette exposition. Il ne constitue pas une histoire exhaustive de Troarn et Bures sur cette période de près de dix siècles.
Cette exposition fut donc incomplète, et le présent cahier l’est plus encore, puisque certains documents présentés dans l’exposition organisée à cette occasion n’ont pu être reproduits, pour des raisons techniques, certains plans réduits au format d’une feuille de papier devenant peu lisibles ont été écartés, et aussi du fait que nous n’avions pas l’autorisation de reproduire certaines photos exposées.
Mais que le lecteur sache qu’il y a aussi beaucoup de documents qui n’ont pas été étudiés, et que notre jeune association se préoccupe de les sortir de leurs cartons d’archives.